Réalisé par prospection pédestre, dans le respect des règles de biosécurité et prise en compte de l’avifaune locale, l’inventaire archéologiquedes îles et îlots du Parc de la Mer de Corail vise à recenser, identifier et spatialiser le patrimoine culturel matériel du Parc Naturel de la Mer de Corail (PNMC). Trois objectifs du plan de gestion, qui ont conduit quatre agents de l’Institut d’Archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP) sur les îles Huon, Fabre, Leleizour et Surprise du 22/05/2023 au 31/05/2023, à bord du Te Fetia Charter et accompagnés de M. Tikoure Aïle (référent de l’aire coutumière Drubea-Kapumë).
Observées la première fois par les européens en 1792, lors de l’expédition d’Entrecasteaux (1791-1793) partie à la recherche des frégates de Jean-François de Galaup comte de La Pérouse, La Boussole et L’Astrolabe, l’île Surprise et « les îles Huon »[1] seront dès cette époque notifiées sur les cartes marines. Toutefois, dès le XIXème siècle, ces récifs seront concernés par de nombreux naufrages ou connus de l’administration pénitentiaire comme zone refuge des forçats évadés de Koumac, Christophe Rostoucher et Alexandre Landrit (Barbançon 2020 : 182). Plus récemment dans l’histoire de cette région, durant les années 1910-1920, les récifs d’Entrecasteaux feront l’objet d’une activité industrielle, liée à l’extraction de phosphate par Austral Guano Company Limited.
Archéologiquement, seul ce dernier épisode de la longue histoire des récifs d’Entrecasteaux est visible, notamment par plusieurs vestiges de l’activité industrielle datant du début du XXème siècle. Ainsi, des éléments de rails, chaines, chrome de fer, briques et de larges dépôts de guano, qui n’ont pas été acheminés vers l’île Surprise, ont été abandonnés sur Fabre et Leleizour. Les vestiges imposants enregistrés sur Surprise, tels que locomotive, wagonnets, machines à vapeur, bassins et dépôts de charbons, positionnent cette île comme principale zone de traitement de cette substance minérale qui était essentiellement utilisée comme engrais dans l’agriculture, avant développement des engrais chimiques.Autant d’éléments qui nous rappellent que plus de 30 000 tonnes de guano ont été extraits et exportés des récifs d’Entrecasteaux. D’autre part, la présence d’un four à pain, de reste de sol en brique et dépôts de bouteilles, dans la partie nord-ouest de l’île Surprise, indiquent une organisation spatiale qu’il est possible de découper en deux zones : 1) la zone industrielle et 2) la zone de vie.
Enfin, en dépit des efforts fournis permettant d’attester d’une fréquentation/occupation aux périodes anciennes de la longue chronologie calédonienne, force est de constater que plus aucune trace ne permet d’apporter une réponse à cette question. La cause principale de l’absence de mobilier archéologique ancien est à mettre en lien avec l’extraction du guano. Cependant, en l’état actuel des investigations, on ne peut affirmer que les îles d’Entrecasteaux n’étaient pas fréquentées et connues durant l’époque pré-européenne. Pour compléter ces investigations, il conviendrait d’interroger les habitants des îles Belep sur le patrimoine culturel immatériel et plus largement l’aire Hoot ma Whaap, pour tenter d’apporter d’autres éléments de réponses sur la potentielle occupation ancienne de ces îles.
[1] A la mémoire de Jean-Michel Huon de Kermadec, Capitaine de vaisseau de « L’Espérance », décédé à Balade. Le Contre- Amiral Bruny d’Entrecasteaux nommera Huon du milieu (Leleizour) et Huon du Sud (Fabre).